Après notre périple en Suisse, nous avons décidé de faire une halte à Mulhouse, la ville de mon enfance, celle où j’ai grandi jusqu’à l’obtention de mon bac. C’était l’occasion idéale pour replonger dans mes souvenirs, en parcourant les rues du centre-ville à la recherche des vestiges d’un passé révolu.
Mulhouse a bien changé. La maternité où je suis née et mon école primaire ont disparu, effacées par le temps. Ce qui autrefois faisait partie intégrante de mon quotidien semble s’être volatilisé. La librairie l’Union, où les files d’attente s’étiraient à chaque rentrée des classes, n’existe plus. Le magasin de jouets Berr, le chausseur Halm, et le poissonnier Lang où mes grands-mères se fournissaient ont également tiré leur révérence, remplacés par de nouvelles enseignes.
Cependant, à force de persévérance, j’ai retrouvé une trace familière : La Crémerie Au Bouton d’Or, qui fête fièrement ses 110 ans cette année. Un véritable miracle de longévité, un vestige intact au milieu d’un paysage en perpétuelle transformation. Mon ancien lycée, autrefois réservé aux jeunes filles, est lui aussi toujours debout, offrant une continuité rassurante dans cet océan de changements.

Nous avons déjeuné au Cellier, un restaurant qui faisait autrefois partie de nos habitudes. Malheureusement, les propriétaires ont changé, et la cuisine n’a plus le même goût qu’autrefois. Un petit pincement au cœur, mais aussi un rappel que le temps passe inévitablement et transforme tout.




La Place de la Réunion, elle, a gagné en charme depuis qu’elle est devenue piétonne. Une fontaine a été ajoutée, et l’Hôtel de Ville, magnifiquement restauré, brille sous le soleil avec ses peintures allégoriques en trompe-l’œil. Il continue de témoigner de la puissance de la première bourgeoisie mulhousienne, alors à la tête d’une ville libre alliée aux cantons suisses. Sur le côté, on trouve encore le Klapperstein, cette pierre dont on m’avait expliqué la signification à l’école. L’inscription au-dessus dit : « Je suis nommée la pierre des bavards, bien connue des mauvaises langues. Quiconque prendra plaisir à la dispute et à la querelle me portera à travers la ville. » L’histoire retient que cette pierre servait à punir les actes de diffamation dans la République de Mulhouse, une pratique abolie en 1798 lors de l’annexion de la ville par la France.







Avant de quitter le centre-ville, nous empruntons la rue des Boulangers, où, au début des années 1900, la mère de mon grand-père paternel tenait une chapellerie au numéro 34. Comme en témoigne une vieille photo conservée à la maison, l’immeuble est toujours debout et abrite aujourd’hui la boutique de mode One Step.


Pour clore cette journée, nous avons pris la direction des anciennes mines de potasse, là où mon père a passé l’essentiel de sa carrière. Aujourd’hui, il ne reste qu’un bâtiment désaffecté, solitaire et mélancolique, témoin d’une époque révolue. Ces mines, qui faisaient battre le cœur industriel de la région, sont désormais figées dans le passé.

Mulhouse a indéniablement changé. Pourtant, cette journée m’a permis de renouer, ne serait-ce qu’un instant, avec des fragments de mon passé, entre nostalgie et redécouverte.